Etant un ancien pratiquant de moto en compétition et trouvant dans les expériences de ma vie le fondement de ma pratique il m'est apparu une vision claire de la pratique du Yoga à travers la métaphore d'une trajectoire précise dans l'enchainement de 2 virages, l'un à droite qui conditionne l'autre à gauche...
Le terrain est posé, 2 courbes à plats, qui proposent un virage à droite, puis un virage à gauche, tout cela dans un circuit de plusieurs kilomètres. Voila la vie que nous parcourons et qui nous propose ses virages et ses méandres. Soit nous ne faisons que les subir et nous sommes le jouet de la vie, soit nous commençons à jouer avec...
L'intention de cette pratique est d'arriver à passer la ligne d'arrivée après avoir fait plusieurs tours de circuit le plus rapidement possible et bien entendu en toute sécurité. S'il est important d'enchainer les virages le mieux possible, les uns derrière les autres ce n'est pas le fait de passer un virage à la perfection qui permettra d'atteindre instantanément la ligne d'arrivée, mais bien l'application dans chaque instant de la conscience et de l'intention d'aller vite et de franchir la ligne d'arrivée.
L'intention est donc très forte et apporte l'attention orientée dans l'instant. L'instant devient de ce fait prise de conscience dans l'acte (vimarsha). Il n'est plus pensable de se laisser aller à la «somnolence hypnotique quotidienne de la vie», car la sortie de piste sera rapidement sanctionnée et souvent sévèrement. La décision d'entrer dans cette course nous pousse alors à être lucide de chaque instant et nous oblige à rester dans notre intention.
Mais il est tout a fait concevable qu'un virage soit mal négocié et cela n'a finalement pas beaucoup d'importance par rapport à toute cette course. La culpabilité ne jouera aucun rôle et au contraire l'envie de faire encore mieux pourra faire en sorte que nous allions bien plus vite et mieux dans les virages suivants avec une attention forcément renforcée.
La vie se trouve donc orientée et canalisée, elle prend alors un sens profond qui illumine chaque instant, chaque acte, chaque décision, chaque instant...
Dans l'instant de l'enchainement des 2 virages un élément important apparait et si peu compris dans notre monde, celui du sacrifice...
En effet, si je souhaite ressortir le plus rapidement possible du deuxième virage à gauche et donc passer l'enchainement des 2 virages le plus rapidement possible il me faut sacrifier le premier virage à droite...
La meilleure trajectoire pour un virage est d'ouvrir ou maximum à son entrée, de revenir vers le centre en son milieu et d'écarter à sa sortie. (voir figure 1)
Mais cela n'est plus possible si on doit passer 2 virages proches l'un de l'autre.
Il va falloir sacrifier le premier pour prendre le deuxième. (voir figure 2)
Dans cette idée de sacrifice on comprend Yama et Niyama (réfrènement et discipline).
Ces deux activités du Yoga, en son début vont permettre de donner plus de «vitesse» aux autres activités.
Mais nous devons voir Yama et Niyama d'une manière un peu plus grande que de simples réfrènements et des disciplines, même si cela sont déjà de bons points de départs...
Il faut ouvrir cette notion de sacrifice à chaque instant de notre vie, orientée par l'intention de passer la ligne d'arrivée (l'éveil) c'est avant tout nos démarches et nos affirmations égotiques que nous devons réfréner, dans chaque instant, c'est tenter de sortir de notre personnage et tenter de rester connecter avec notre être, notre conscience profonde...
Pour ceux qui sont arrivés à sentir l'ouverture et la vibration du cœur lors d'une pratique, c'est tenter de rester, quoi qu'il arrive dans la vie, dans n'importe quel virage, de rester en connexion avec ces vibrations de percevoir ce qui ce passe dans l'instant et d'appliquer les mêmes «gestes» qu'un pilote à l'entrée des virages:...
La prise de trajectoire demande compréhension de ce qui est à l'œuvre, en marche, juste attitude par rapport aux capacités présentes, recherche de sécurité, de plaisir, pour aller vite et bien.
En premier il y a le placement du freinage, fort en ligne droite et de plus en plus doux vers le centre du virage, voila le bon réfrènement qui s'appui sur les bonnes disciplines. Fort au début pour dompter ma nature sauvage, mes trop grandes habitudes, puis plus souple une fois l'orientation imprimée...
Mais je dois encore aller un peu plus loin, ne pas tout prendre maintenant, sinon le deuxième virage serait raté, alors il me faut taire mon envie de parler, de faire, d'accélérer et finalement de réagir à la moindre possibilité, à la moindre sollicitation ou au moindre stimuli.
Je me préserve pour le virage qui va arriver, pour l'accomplissement qui aura lieu dans un autre instant.
Avec beaucoup de finesse et d'intelligence dans l'acte, presque dans une immobilité intérieure toute emprunte de retenue et de détermination farouche, je place mon véhicule dans sa meilleure trajectoire, dans son meilleur comportement, cela n'est pas lié à une vision éthique ou morale, juste une détermination forte et qui illumine l'instant, qui donne un sens, un axe.
Enfin la nouvelle courbe se dessine, la vie me propose autre chose, résulta de ma retenue et tout est alors en ma faveur, je suis juste à ma bonne place, mon dharma s'accompli sans heurt, ni souffrance, ni difficulté...
Transfert de masse, on repart vers autre chose !
L'accélération est toute gentille au début, pour ne pas quitter la corde, le centre, s'apprivoiser l'instant, l'immobilité et l'équilibre dans le mouvement, encore de l'observation dans l'instant, rien d'autre...
Je reste un observateur immobile et paisible qui est emporté vesd la lumière...
Le placement doit -être juste, le souffle léger et libre, le regard posé tranquillement sur le point le plus loin...
L'intention est omniprésente, aller vite et bien, vibrations, glisse...
Enfin, l'accélération grandit et me propulse, vite et loin vers la lumière, la trajectoire m'a catapulté vers l'infini, le geste est si parfait qu'il ne m'appartient plus, il se réalise et me réalise...
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Haimavati